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AUTEUR.

POETE.

DRAMATURGE.

ROMANCIER.

HANS LIMON

Parution : Déchirance

Edition: Le Bateau Ivre

Date1 novembre 2017

ACTUALITÉ

BIO

Hans Limon est poète, dramaturge et romancier, ainsi que professeur de philosophie et de théâtre. Il a déjà publié plusieurs pièces de théâtre, dont Frères inhumains, lue à Avignon, contribue à de nombreuses revues, en ligne ou sur papier, et s'apprête à publier, à l'automne 2017, La Bataille d'Hernani, gigantesque fresque romantique et théâtrale, aux éditions Les Cygnes. Son premier roman, Déchirance, texte hybride et fulgurant, sort le 1er novembre, aux éditions Le bateau ivre.

Ce matin, je me suis traîné à la boulangerie pour une petite gâterie. Quand la jeune fille derrière le comptoir m'a rendu la monnaie, ses ongles ont accidentellement caressé la paume de ma main gauche et, les yeux fixés sur les baguettes raides au-dessus de son minois mal réveillé, j'ai senti poindre une demi-molle au centre de mon centre de gravité.

Là n'est pas le surjet.

Hans Limon est un petit merdeux de première, une enflure, un crevard. Croyez-moi, je le pratique depuis sa naissance, j'obsède son âme et lui colle au cul, j'adhère au moindre de ses gestes, connais le poids de ses rêves et l'odeur de ses couilles, sais (d'un savoir tragique, malgré Nietzsche) quels cris de goret s'échappent de sa gorge lorsqu'il éjacule ou se cogne le genou contre sa table de salon, pourrais dénombrer les gouttes de salive dispersées sur son oreiller, façon pointillés sépia, vous confier ses qualités honteuses et ses défauts glorieux, et pour tout vous dire, c'est un peu de moi qu'on extirpe de lui, épisodiquement, lorsqu'on prend son sang, sa salive ou son liquide céphalo-rachidien. Je ne suis rien pour vous mais je suis tout pour lui, à quelques exceptions près, puisque l'énergumène est riche de trois fois rien, ce qui est déjà quelque chose, mais pauvre de tout le reste, ce qui n'est pas négligeable, et je me suis convaincu depuis peu de temps, c'est-à-dire depuis qu'il s'est mis à écrire sérieusement, c'est-à-dire depuis qu'il a commencé à combler sa déchirure avec de l'encre de seiche, c'est-à-dire depuis juin 2016, qu'il voudrait laisser dans son sillage autre chose que le poignant "ploc" matutinal du siphon des pesanteurs, autre chose qu'un reflet de parhélie qui brillerait quelques instants pour se noyer dans l'indéfini des flots mouvants, façon barbelés d'alleluia.

Par ailleurs, l'autofiction l'épuise et le lasse. En faire la promotion le mettrait mal à l'aise, indéniablement, lui qui s'amuse à proclamer partout, en réalité dans l'espace exigu séparant son oreille gauche de son oreille droite, et qui contient tout un monde, que "s'acharner à vouloir publier ce qu'on a écrit sur soi, c'est comme se branler devant un miroir et proposer son mouchoir souillé à la concierge." Je vous épargne ses théories sur l'auto-édition. Fort heureusement.

Hans Limon vient d'une région post-apocalyptique où roter fort est une prouesse applaudie, où la poussette a remplacé les déambulateurs, où "fils de pute" est un pléonasme à ne pas confondre avec "fils de putsch", surnom d'un autre bâtard, historico-hystérique, celui-là (et je m'étonne qu'on connaisse aussi bien la mère de Hans), où la misère, enfin, valse avec l'obésité au bord du vide culturel intersidéral. J'exagère et j'hypostasie. À vous d'atténuer. Il a vu la mort à six ans, dans les yeux d'un grand Maghrébin foudroyé par un fusil de chasse, n'a jamais oublié la détonation fatale, qu'il porte sur son front, complexe et convexe, comme un trophée de démence, les chocs d'hier faisant les bosses d'aujourd'hui, a pesé cent-cinquante kilos à dix-huit ans, en a perdu soixante-dix deux ans plus tard, à la force de la foulée virevoltante et de l'obsession, se conçoit comme "un paumé de l'entre-deux", d'un autre temps, d'une autre humanité, puise dans ses souffrances de quoi nourrir sa propre théorie cosmique du complot (si "Dieu gît dans les détails", il merde néanmoins dans les grandes largeurs), court, beaucoup, trop, mille kilomètres par mois, écrit en courant ou court en écrivant, il n'est plus en mesure de dissocier les deux, contre la maladie, que ni lui ni les médecins n'ont pu identifier jusqu'à ce jour, le temps qui s'égrène et l'égrène, les conflits neuropathiques, son impatience immodérée, après ses démons qu'il voudrait lécher puis détricoter, après ses quatre membres amputés, ravis par le cancer et le suicide en moins de deux ans, après cet amour envolé dont le souvenir le flagelle allègrement (il aime "flageller", particulièrement sonore et frappant, mais moins que "nonobstant", si ce n'est plus que "jamais"), a traversé des périodes assez obscures, pavées de bonnes intentions, de racisme, d'antisémitisme, d'homophobie, de piteuse démerde à la petite semaine, a été racheté par l'école, sauvé par ses professeurs, a découvert les affres de l'amour avec les replis de son nouveau corps, les orgies estudiantines, les séances pornos improvisées, les beuveries comateuses, les mariages pour de faux, les divorces pour de vrai, les peaux qui claquent jusqu'au soir dégoulinant des astres, les déglutitions forcées, les éructations consenties, les lynchages à la bonne franquette, les draps mouillés, les cours séchés, a traîné sa carcasse dans les couloirs de l'université, en désespoir de prose, est devenu professeur de philosophie, puis de théâtre, pour transmettre aux plus jeunes la sagesse et la vie qu'il ne possédait pas, et qui lui font toujours défaut, a vu un ange passer, par conséquent a voulu obéir à Cocteau, à la lettre, élève la Beauté au rang de morale absolue, inscrirait volontiers ses désirs en lettres de sperme sur les Tables de la Loi, se saignerait pour vous offrir un peu de couleur et voir flamboyer sur vos joues la chaleur qu'il recherche un peu partout depuis son évasion extra-utérine, considère que les œuvres d'art valent mieux que ceux qui les ont pétries, est donc un grand lecteur de Céline et de Dieu (ou de ses avatars), ne se voit pas vivre vieux et ne vivra pas vieux, parce qu'il ne l'accepte pas, ne le veut pas et préfère l'intensité fugace d'une explosion volcanique à la sénescence cyclique des éléphants d'Asie, graves, lourds et lents, a fait ce cauchemar, plutôt récurrent, la nuit dernière, où la déesse des Enfers l'invite a venir chercher la mort entre ses cuisses, pense que si la vie est un film à plus ou moins gros budget, la littérature en est indéniablement le director's cut, souhaiterait qu'on parle de lui, sans trop égratigner son être-pour-autrui, sans trop ébruiter ce qu'il n'est pas ni ce qu'il n'est jamais parvenu à devenir, versifie comme il respire, tantôt lentement, tantôt frénétiquement, mais sans interruption, se sent vide s'il ne vomit pas ses dix pages d'alexandrins quotidiennes, qu'il sème au hasard des réseaux sociaux ou planque dans ses dossiers saturés de confessions pseudo-confidentielles, jeûne ou bouffe pour six mois, ne sait rien faire à moitié, en toutes choses vise toujours le juste milieu de l'excès, détruit les barrières au lieu de sauter par-dessus (sauf dans le métro parisien), a englouti Victor Hugo et son rocher en quelques semaines, est amoureux de Bernard Marie-Koltès, écrit avec, par et pour ce dernier, reçoit les éloges avec le malaise triomphal de l'imposteur magnifique, trouve toutes les critiques injustes, apprécie cependant les coups de pied au cul, "parce que c'est la seule chose qui le fasse littéralement et concrètement grandir", admire la nouvelle génération d'écrivains, dont certains représentants, plus ambitieux que les Oulipiens d'antan, font se télescoper dans la même phrase, avec un sérieux déconcertant, Tinder et Pierre Michon, a consigné ses punchlines et ses idéaux entre les lignes de six ou sept pièces de théâtre, a co-réalisé un livre d'art où sa plume côtoie photos et réminiscences, a participé à une dizaine de revues poétiques, ne s'est jamais réellement prêté au jeu de la publicité, qu'il juge indécent et hypocrite, se navre de lire autant de médiocrités portées aux nues, de voir déambuler sur scène des dialogues sans personnages, des personnages sans dialogues, se fâche lorsqu'on lui dit que ses pièces sont trop littéraires, se marre quand on lui transmet, par courrier électronique, des conseils drama-liturgiques en assassinant la langue française à chaque détour de syntagme, offre des poèmes à ses Muses comme le petit garçon ramène à sa mère des fleurs piquées dans les plates-bandes municipales, et ne voit pas pourquoi ni comment on devrait le rémunérer pour ces cadeaux d'un instant, en a plus qu'assez des têtes grises qui trustent les allées du Marché de la poésie (bel oxymore), de cette tendance toute contemporaine qui consiste à taquiner les embruns, à draguer le brin d'herbe, à gamahucher l'alouette (Rimbaud, Lautréamont, Baudelaire, morts-vivants, revenez, vous qui m'êtes plus proches que ces vivants-morts !), hallucine à la considération du spectacle insensé du poète qui écrit plus SUR le poète et la poésie qu'il n'écrit DE poésie, qui relâche sur le papier surpris trois malheureux mots, grabataires, neurasthéniques, et attend qu'on lui dise, avec un air de contrition fascinée : "Putain, c'est profond !", redoute l'extinction progressive de la belle langue ou sa préemption par les doctes élites, voudrait que tout le monde écrive de la poésie, se persuade que chaque être humain est un poète en puissance, et qu'une phrase accidentellement captée à la faveur d'une promenade citadine peut receler plus d'idées esthétiques et de puissances signifiantes que tout un recueil jonché de roseaux, de pierres et d'escargots fleuris.

Hans est du genre à trembler devant sa hiérarchie pour, une minute plus tard, discuter pornographie avec son futur inspecteur d'académie, spinoziste au demeurant, ou à rester muet lors d'un repas de famille où siègent, autour d'une table imbibée de graisse et d'alcool, les pires ivrognes du coin, pour finalement relancer les débats qui ronronnent et s'époumonent avec un nonchalant : "Et la Bande de Gaza ?" Le grand mérite de la xénophobie, c'est de savoir trancher le noeud gordien : Israël, Palestine, tout est mis dans le même sac, et jeté à l'eau...

Le 1er novembre sort Déchirance, qui est à la littérature d'aujourd'hui ce que l'abcès purulent est au corps sain : une excroissance disgracieuse, une substance vitale et morte, abondante et fétide. Roman ? Poésie ? Drame ? Tout cela, plus ou moins, plutôt moins que plus, mais toujours mieux que rien. Je n'ai jamais rien lu de tel, à vrai dire, et je l'ai pris en pleine gueule, comme si le Slim Shady était venu déverser son flow dans mes oreilles, à m'en exploser les tympans, sur fond de Chopin (ses Polonaises, de préférence). Si vous jetez un coup d'œil à ce monstre hybride, il est fort probable que vous soyez décontenancé(s) par sa forme et que vous plaigniez son géniteur. Vous auriez tort. Rien de pire que la pitié, qui prétend relever l'autre en le (ré)confortant dans ses tendances toxiques.

Ce qu'il faut à Hans, comme à tous les sales types dont on ne devrait jamais croiser la route ni même le regard, c'est un bon coup de pied au cul. Je persiste et je saigne. Et des baisers magiques pour éteindre les bobos.

Sinon, (s)abordez-le par l'immense fresque romantique, tendance chapelet de charabia, qu'il publiera bientôt, avec le secours des cygnes noirs du lac des solitudes.

Hans Limon est un petit merdeux de première, une enflure, un crevard. Je le sais parce que je suis un peu "lui", sous mes apparences de "moi". Mais il ne parlera plus de moi, je ne parlerai plus de lui. Certains le font mieux que nous.

Hans est un dépravé, une ordure, un trou d'être où surnage un peu d'avoir. Sa mère lui manque, son rire lui manque, le temps lui manque.

Un bon gars, dans le fond. Mais pour en être sûr, il faut aller sous, et transpercer des épaisseurs de merde.

Ou le lire.

Putain de limon.

PORTRAIT D'ARTISTE : HANS LIMON - BÂTARD DE SA MÈRE

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