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DÉCHIRANCE

Parution : Déchirance

Edition: Le Bateau Ivre

Date1 novembre 2017

Déchirance

Olivier Steiner, extrait de la préface à Déchirance

"Juste un enfant du siècle

Il y a du Violette Leduc chez Hans Limon, il y a du Bernard-Marie Koltès et du Edgar Poe. Ce sont ces trois- là qui me viennent en premier, liste non exhaustive. Violette pour la magnifique dilatation du moi (toute graine est un arbre en puissance), pour la bâtardise aussi bien : Hans n’est pas un « bâtard » dans le sens de Violette, de père inconnu, mais il porte en lui, étrangement, un même genre de fêlure venant de l’ascendance. Le père inconnu de Hans est peut-être Dieu, l’absent, le silencieux, ou au contraire le Diable. Koltès pour la foi en la parole, l’amour du théâtre, la révolte et le désir. Poe, enfin, pour tout ce qui se trame de black, hardcore et fantastique dans ce cosmos limonien qui émerge."

Auteur Hans Limon

"Le village restait pourtant paisible et muet, depuis quelques discrètes minutes échappées du fracas diurne. Un peu d’ombre et de vent, des fleurs jetées au hasard des parpaings lézardés, une cheminée poisseuse, couleur prétentions ravalées, un doberman rongé de pus, la truffe desséchée, prisonnier d’une chaîne rouillée nonobstant cliquetante, un poulailler caquetant, deux oies sur le déclin, trois lapins sur la paille, les restes vérolés d’un fourgon de police « de récup’ », une rangée de vêtements étendus, comme pendus par les pieds, les bras flasques, tout près d’un arbuste à l’abandon, totem tordu. Et mon frère, la main sur le bastingage, trop petit, trop fin. Partout, sur les framboisiers rachitiques, les mobylettes entassées, les palettes empilées, sous la tôle, dans l’amiante et le plâtre, au bord du puits, sur la margelle noircie, dans le charbon des casiers côté cour, au fond des buanderies «bouffées à rats», partout, embusqué, insidieux, narquois, puissant d’invisible ubiquité, partout le silence poussiéreux-bouffi d’orage, le sourire de mon frère."

 

"Et toujours cette question qui revient par élancements d’absurdité, me fouille et réveille ma honte et ma culpabilité : « Pourquoi ce vide en moi ? ». Il me semble que les dieux de la terre et des cieux veulent s’adresser au monde et qu’ils ont choisi mon corps pour en faire leur mégaphone anonyme. Je suis devenu malgré moi la plate- forme de communication, la zone de transit où se croisent et s’entrechoquent soupirs humains et cris chtoniens. Zone aride et surpeuplée, sismique, no brain’s land affolé, strié de va-et-vient erratiques, proche de la désintégration. Je ne sens déjà plus le sol sous mes pieds plats."

 

"Il la baisa fort, si fort qu’il envoya sa tête frapper contre le mur, confus de maladresse coupable, quelques instants prostré, paralysé, car rien, pas même les gifles dispensées sur la chair à vif, pas même la sauvagerie sexuelle au seuil de la violence et de l’agression, pas même ces élans de rage libidinale déchirant silence et décence : rien ne se fit jamais sans cette fleur au bout du fusil, l’amour."

 

"Je m’appelle [...]. Vous vous en souviendrez. Mon père s’est fendu, ma mère s’est vendue, mon beau-père s’est pendu. Alors quoique moi-même père je suis un peu votre orifice adoptif, cette petite part de vous qui souffre en sourdine, votre sale gosse, le rejeton non reconnu de vos remords, la veilleuse de vos soupirs. J’aime à le penser. Je me pique de cette imaginaire adrénaline, en plein scrotum, ni vu ni connu. Je suis bon élève et beau parleur, écrivain sur le tard et le tas, bourreau de moi- même, une espèce d’éphémère auto-diktat, et je suis si vicieusement obsédé que je me casserais volontiers quelques côtes pour m’assouplir et m’autosatisfaire. Je ris sardoniquement. Cinq heures de course. Sans fatigue ni essoufflement. Je méprise et j’écrase ma tendinite inique. Ma cheville est bleue, mais si écarlate qu’on y verrait presque un bracelet électronique. Tendances criminelles familiales. À chacun sa façon d’endurer. 

 

J’invente mon existence et je nie mes inventions. Vilain parâtre. Je dévore et me perds et me douche. 

 

À la fin du renvoi je couche."

 

"J’ai poussé la porte d’une église ce matin, parce que Rubens et sa descente de croix, pour me consoler de mes souffrances en contemplant celles de Jésus, qui a bien souffert, en effet, quoi qu’on en pense, qu’il ait réellement existé ou non. J’ai croisé les bras, la messe a commencé, les bouches ont accueilli les hosties, à moins que ce ne soit l’inverse, et j’ai chialé comme un nouveau- né. Moi mécréant. Est-il vrai que Dieu baise les fronts pâles de ceux qui ont touché le fond ? J’ai chialé puis j’ai tourné les talons, laissant dans mon dos la cérémonie monotone. 

 

Et je me suis demandé ce qu’il adviendrait de mon âme, si jamais je pissais dans le bénitier."

Extraits de Déchirance 

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